Friday, February 1, 2013

Bonification tarifaire pour les panneaux européens


Photovoltaïque : un arrêté établit la (très fragile) bonification tarifaire pour les panneaux européens

Article publié le 31 janvier 2013 sur www.actu-environnement.com 
Par Philippe Collet

L'Etat tient ses promesses et bonifie les tarifs d'achat pour les installations PV utilisant des panneaux européens. Un dispositif étrillé par la CRE qui pointe les failles juridiques du dispositif et le peu de justification économique.

Ce jeudi 31 janvier 2013, le Journal officiel publie deux arrêtés signés par les ministres de l'Ecologie et des Finances et mettant en œuvre les mesures de soutien à la filière solaire promises par le gouvernement. Lepremier arrêté majore les tarifs d'achat de l'électricité produite par certaines installations photovoltaïques et le second texte modifie les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations photovoltaïques (voir encart).
"Il s'agit de mesures d'urgence attendues pour mettre un coup d'arrêt aux destructions d'emploi et soutenir la filière photovoltaïque dans l'attente des conclusions du débat sur la transition énergétique", a expliqué à l'AFP la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho. Le dispositif distingue les modules en silicium cristallin et les modules en couche mince.

La CRE doute de la solidité juridique de la bonification
Si l'arrêté permet au gouvernement de tenir ses promesses, il semble cependant qu'il ne repose pas sur des bases juridiques fermes. Dans un avis rendu le 20 décembre 2012, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pointe une faille dans le dispositif retenu qui l'a conduite "à émettre un avis défavorable au projet d'arrêté proposé".
La CRE explique que l'article L. 314-7 du code de l'énergie encadrant les tarifs d'achat stipule que ces derniers peuvent offrir une prime par rapport à la rémunération habituelle des capitaux investis afin d'assurer l'atteinte des objectifs fixés à l'article L. 121-1 du même code. En clair, pour bénéficier de la prime associée aux tarifs d'achat, les équipements de production doivent participer à "l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie".
Or, "la CRE constate que le projet d'arrêté n'est accompagné d'aucun élément de justification permettant d'évaluer la pertinence du critère de l'origine européenne pour la contribution à la réalisation des objectifs définis à l'article L. 121-1".
Quant à la conformité avec les textes internationaux, et en particulier avec l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), la CRE affiche des doutes plus importants encore. Elle "relève à cet égard que des mesures comparables (…) mises en place par la province de l'Ontario, au Canada, ont fait l'objet de plaintes de l'Union européenne et du Japon devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC)". De même, "les autorités chinoises ont engagé une procédure le 5 novembre 2012 auprès de l'OMC contre l'Union européenne, l'Italie et la Grèce au sujet de certaines mesures (…) concernant les restrictions relatives à la teneur en éléments d'origine nationale des installations bénéficiant d'un tarif d'achat garanti".

5 ou 10% de hausse pour les modules en silicium cristallin d'origine européenne
Côté tarifs d'achat, l'arrêté publié ce matin vient concrétiser le bonus de 5% ou 10% accordé à certaines installations utilisant des panneaux photovoltaïques constitués de modules en silicium cristallin d'origine européenne. Concernant ces panneaux, la CRE, se basant sur une étude des coûts d'investissement fournis par les candidats aux troisième et quatrième périodes de l'appel d'offres pour des installations de puissance comprise entre 100 et 250 kWc, indique que l'analyse "ne permet pas de constater un surcoût pour les installations dont les cellules et les modules photovoltaïques ont été fabriqués au sein de l'EEE".
Et d'enfoncer le clou en ajoutant que la majoration "a pour effet d'augmenter sans justification le coût de production de l'énergie photovoltaïque, et donc le montant des charges de service public financées par les consommateurs".
Reste que l'arrêté publié prévoit que les tarifs T1 (Installation intégrée au bâti sur un bâtiment d'habitation), T4 (Installation respectant les critères d'intégration simplifiée au bâti) et T5 (Installations au sol, grandes installations et divers installations sur bâtiments) sont majorés de 5% dès lors qu'au moins un des deux critères retenus sont respectés.
Première possibilité, la majoration est accordée si "toutes les étapes du processus de transformation des plaquettes de silicium aux cellules des modules photovoltaïques de l'installation ont été réalisées sur un site de production installé au sein de l'Espace économique européen".
Elle est aussi accordée si "toutes les opérations de soudage des cellules, d'assemblage et de lamination des cellules et de tests électriques des modules photovoltaïques de l'installation ont été réalisées sur un site de production installé au sein de l'Espace économique européen".
Quant à la majoration de 10% des tarifs T1, T4 et T5, elle est accordée si les deux conditions ci-dessus sont vérifiées. Sinon, il faut que l'un des deux critères soit vérifié et que "toutes les étapes du processus de transformation des lingots de silicium aux plaquettes de silicium des modules photovoltaïques de l'installation ont été réalisées sur un site de production installé au sein de l'Espace économique européen".

Un bonus inutile pour les modules en couche mince
Pour les modules en couche mince, la CRE juge là aussi que "la majoration tarifaire (…) au bénéfice des producteurs établis dans l'EEE ne correspond pas à un écart de coût constaté au détriment de ces derniers". En effet, l'analyse de la Commission, réalisée à partir des prix de vente des deux leaders mondiaux, fait ressortir que les produits européens sont moins chers de 14% à ceux des concurrents japonais. "La majoration tarifaire envisagée par le projet d'arrêté au bénéfice des producteurs établis dans l'EEE ne correspond pas à un écart de coût constaté au détriment de ces derniers", note la CRE.
Malgré tout, l'arrêté prévoit, pour les installations utilisant des modules en couche mince, que les tarifs T1, T4 et T5 bénéficient d'une majoration de 10% "si au moins les étapes de préparation des supports adéquats, de déposition des différentes couches de semi-conducteur sur lesdits supports, de constitution des cellules, de constitution des modules et de tests électriques du module ont toutes été réalisées sur un site de production de l'Espace économique européen".
Par ailleurs, le texte ajoute des conditions relatives à la date de demande de raccordement. Pour les tarifs T1 et T4, la demande complète de raccordement doit être effectuée pour la première fois après l'entrée en vigueur de l'arrêté, c'est-à-dire après le 1er février 2013. Pour le tarif T5 la demande doit avoir été effectuée pour la première fois à compter du 1er octobre 2012.

Eviter les fraudes
Enfin, le texte précise la démarche à suivre et les pièces constituant le dossier de demande de majoration du tarif d'achat. La demande, formulée auprès de l'acheteur, doit notamment préciser la majoration demandée, des éléments relatifs au demandeur, la localisation de l'installation photovoltaïque ou encore les références du contrat d'accès au réseau.
Par ailleurs, la demande doit être accompagnée de deux documents : un certificat et une attestation sur l'honneur de l'installateur du système photovoltaïque certifiant que la totalité des modules équipant l'installation photovoltaïque sont conforme au certificat. S'agissant de l'attestation sur l'honneur, le texte précise qu'elle "doit être visée par un organisme bénéficiant d'une accréditation", une manière d'éviter les attestations sur l'honneur frauduleuses, conformément à la recommandation de la CRE.
Le certificat permet pour sa part "d'attester le respect des conditions indiquées dans la demande de majoration tarifaire". Il doit mentionner des éléments relatifs aux sites de production du matériel installéet aux panneaux. Pour les modules photovoltaïques en couche mince, le caractère d'identification unique du site d'assemblage du module suffit. Pour les modules photovoltaïques en silicium cristallin, il faut indiquer, entre autre, le caractère d'identification, la référence des plaquettes de silicium utilisées dans le module, la référence des cellules utilisées dans le module et le caractère d'identification unique du site d'assemblage du module.

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